Swing

06/03/2006 01:22
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Substantif et verbe anglais signifiant « balancement » ou « se balancer », devenu d'emploi extensif dans le langage et la littérature du jazz. Le mot aurait fait sa première apparition en 1907, dans le titre d'une composition de Jelly Roll Morton : Georgia Swing. On ne peut savoir quelle réalité musicale il recouvrait alors. Mais il est certain que, dès qu'il y a jazz ou tentative de jazz, la notion de swing l'accompagne, en quelque sorte comme son principe vital. Le swing vient-il à manquer, le jazz manque alors à lui-même ou n'est plus que son propre simulacre. La grande difficulté provient du fait que, n'étant pas un élément susceptible de se traduire en signe de solfège, le swing demeure d'appréciation variable, en partie subjective, et donc de hasardeuse définition. La critique s'est cependant efforcée de circonscrire le phénomène. Pour certains, le swing serait, à travers les différents styles d'exécution que le jazz a connu, une valeur constante mais liée dans son expression au caractère du style. Il n'est pas impossible pour autant de proposer une définition objective. Reposant sur les particularités rythmiques constantes du jazz, elle montre que le swing naît d'abord des conditions crées par l'emploi des mesures à deux ou quatre temps, ainsi que de l'accentuation typique des temps faibles. C'est là un swing élémentaire que l'on rencontre à la fois dans les débuts du jazz et dans les ensembles dits de rhythm and blues dont devaient s'inspirer, et s'inspire encore, les groupes de rock qui pratiquent une forme de « balancement » si appuyée qu'elle assomme et expulse le swing. Car ce n'est pas l'accentuation du temps faible qui engendre le swing, mais le souple glissement vers le temps fort, installant, au contraire du martèlement binaire, une pulsation régulière mais jamais mécanique.
Les modalités d'expression du swing peuvent être très diverses et, à l'extrême, on dira qu'il n'y a pas deux musiciens de jazz qui swinguent exactement de la même façon. Si leur rôle est capital dans ce domaine, le swing n'est pas en effet l'apanage des rythmiciens. Les « mélodistes » eux-mêmes swinguent, tantôt portés par une plénitude swingante des percussions, tantôt affirmant le swing en dépit de leur possible insuffisance. L'exécution idéale est due non seulement à une aptitude égale de tous en ce domaine, mais à la fusion des swing personnel de chacun. Ce pourquoi, sans doute, le terme swing a connu sa plus grande fortune au moment de l'apogée des grands orchestres, au point que par une distorsion qu'on appellerait aujourd'hui « promotionnelle », celui de Benny Goodman (qui ne manquait d'ailleurs pas de mérites) fut au cours de cette décennie 1935-1945 considéré comme le parangon de la « musique swing ». Cependant si la cohésion favorisée par la relative stabilité de ces big bands au cours de la période (et par leur utilisation d'arrangements écrits ou sus par coeur) a elle-même favorisé dans une large mesure à l'apothéose du swing au sens strictement musical, la plupart des petits ensembles en activité à l'époque l'ont souvent saisi à l'état pur. Il est donc concevable de regarder le swing non comme un principe présent d'un bout à l'autre de l'histoire du jazz, mais bien comme un élément essentiel, inégalement actif, qui s'est peu à peu dégagé au cours des années, pour culminer vers 1940 avec la mesure à 4/4, la perfection de la mise en place, la décontraction de l'énoncé et l'équilibre entre « pulsion vitale », chaleur d'expression, maîtrise instrumentale, pertinence rythmique et imagination mélodique.
Un certain nombre de conditions objectives, techniques, semblent donc requises pour une bonne manifestation du swing. Nécessaires, elles ne sont pourtant pas suffisantes, et nulle recette ne permet à personne de swinguer. Pire : nulle oreille ne percevra toujours du swing là où une autre le constate, hors d'une quantité d'oeuvres quand même considérable où s'impose sa réalité. On n'insistera jamais assez sur son rapport avec la danse, sur le fait que swinguer c'est aussi danser et, sinon s'adonner soi-même à cette danse, en recevoir par l'intermédiaire d'une musique dont c'était le but. Le swing apparaît alors comme l'état supérieur, impossible à fixer mais puissant et irréfutable, de ce retournement du pas humain en danse que le jazz a produit. En prenant appui sur la terre lourde et hostile qui fut celle des esclaves, en la faisant malgré tout le tremplin d'une jubilation et d'un jeu, ce pas devenu danse nous réconcilie avec elle et, en même temps, nous en délivre, pour un instant fugace qui est la transcendance concrète du swing.

Dictionnaire du Jazz, aux éditions Bouquins

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